Anaïs Jeanneret
The solitude of summer evenings
Jean-François Coulomb des Arts
Anaïs a compris que la première qualité d’un
écrivain, c’est de se faire rare. Surtout, ne pas encombrer les tables des
libraires avec une régularité de métronome. Elle revient sur le devant de la
scène avec un roman élégant et poignant, « La solitude des soirs
d’été ». Dix ans qu’elle n’avait rien publié, autrement dit, un siècle.
Anaïs has
understood that a writer’s first quality is to keep a low profile. Above all,
refrain from cluttering up the shelves of booksellers with clockwork
regularity. She is back in the forefront with an elegant and deeply moving
novel, “La solitude des soirs d’été” (The solitude of summer evenings). She had
not published anything for ten years – we could say a century.
PORTRAIT
Anaïs est comme cela. Elle prend son temps,
marche à son rythme. Elle est de ces femmes qui n’ont qu’un seigneur et
maître : elles-mêmes. « L’écriture est une chose fragile, qui ne va
pas toujours de soi », confesse-t-elle.
Pour un écrivain, parler de son livre n’est
pas chose aisée.
Anaïs n’échappe pas à la règle. L’interview
n’est pas un de ses sports préférés, mais elle s’y plis, avec pudeur et des
regards de jeune femme sage. Un zeste d’inquiétude au fond des yeux.
Elle avoue « ne pas avoir grandi dans
les clous », à cœur d’une famille bourgeoise. Enfant, elle aime dessiner,
elle « crée des appartements dans des boîtes à chaussures », rêve de
devenir architecte, de marcher sur les traces de son grand-oncle, Le Corbusier.
Très jeune, elle perd son père. Sa mère travaille comme monteuse vidéo. Elle se
souvient avoir été une petite fille timide, solitaire, un peu perdue au milieu
d’histoires de famille compliquées. « On s’en remet, mais on n’oublie pas.
Cela vous façonne », dit-elle en passant la main dans ses cheveux. Elle
n’en dira pas plus.
« L’écriture m’est tombée dessus
inconsciemment, je ne l’ai pas vu venir ». Elle fait ses premières armes
de romancière dans les années 90, avec un joli petit livre, « Le sommeil
de l’autre ». Anaïs sait qu’elle vient de trouver sa voir. Depuis, elle a
découvert « une forme de volupté à manier les mots. Le plaisir de la
phrase qui sonne juste. Les personnages que l’on sculpte, l’histoire que l’on
construit… » L’après-midi, elle s’enferme dans son bureau et tape sur son
ordinateur quatre heures d’affilée. « Quand j’écris, je me sens
bien ». L’aveu est touchant. Pas de méprise, elle fuit comme la peste
l’autofiction. Anaïs invente des histoires, ce qui ne l’empêche pas de mettre
des bribes d’elle-même dans ses textes.
« La solitude des soirs d’été » est
son cinquième livre
Il est né d’une envie, « raconter une
rencontre entre deux personnages qui n’auraient jamais dû se croiser ».
Alda et Louis. Il a 22 ans, se rêve écrivain en traînant une vie « pleine
d’ennui et de colère ». Elle a le double de son âge et le charme mystérieux,
magnétique, des gens qe la vie a comblés. Ils se rencontrent à Paris lors d’une
exposition Rothko. « Cette inconnue, je l’avais rêvée si souvent, avec sa
grâce et son air insaisissable, trop paisible pour ne pas cacher d’inavouables
tourments ». Louis ne se trompe pas. Invité dans la magnifique bastide
d’Alda à Saint-Rémy-de-Provence, il va mettre à nu la fêlure de cette épouse
parfaite, de cette mère aimante, de cette femme dont « le secret reste le
seul refuge ». Subtil jeu de miroir où chaque protagoniste finit par voir
une petite musique fitzgéraldienne. La difficulté d’être et le temps qui passe…
« D’espoir infini en désespoir fini, il
n’y a finalement presque rien… », écrit l’auteur page 202, qui signe là
l’un de ses plus jolis livres. Le commentaire d’un lecteur l’a fait rougir de
plaisir. Vincent, 15 ans, son fils. « Il l’a lu d’une traite. Il a été
impressionné. Il m’a dit : c’est drôlement bien écrit ! » Anaïs
sourit, baisse les yeux, surprise de livrer ce moment d’intimité.
W.
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